
Tribunal de première instance de Sousse2 (rattaché à la Cour d’appel de Sousse) Les Délègations
Le Ministère de la Justice veille à assurer l'administration de la justice et à protéger effectivement les droits et des libertés dans un Etat civil et démocratique. Parmi ces droits, on cite essentiellement le droit à la dignité humaine et à l’intégrité physique et morale pour tous en particulier en ce qui concerne les droits des femmes. Ainsi, afin de préserver l'équilibre de la famille d'une part et le caractère sacré de l'intégrité physique et morale des femmes d’une autre part, l’article 46.4 de la Constitution prévoit que « L’État prend les mesures nécessaires en vue d’éliminer la violence contre la femme ». En application de cette disposition, la loi organique n°2017-58 relative à l’élimination de la violence faite aux femmes a été adoptée le 11 aout 2017 et est entrée en vigueur le 15 février 2018.
Cette loi prévoit les mesures suivantes :
1) Dédier des espaces séparés au sein des tribunaux de première instance réservés aux magistrats spécialisés dans les affaires de violence à l’égard des femmes
L’article 23 de la loi organique 2017-58 prévoit que « Sont réservés aux magistrats spécialisés dans les affaires de violence à l’égard des femmes, des espaces séparés au sein des Tribunaux de première instance, et ce, au niveau du Ministère public, de l’instruction et de la justice de la famille».
Ces espaces permettent d’assurer les bonnes pratiques dans la prise en charge de femmes victimes de violence dans tous le processus judiciaire. En effet, un tel espace composé des spécialistes des affaires de la violence qu’ils soient les juges du ministère public (le procureur de la république ou ses substituts), les juges d’instruction ou les juges de la famille, permet de centraliser la prise en charge de la femme victime de violence (FVV) dans un seul lieu du tribunal de première instance. Une telle concentration facilite d’une part la confidentialité du traitement de la FVV et sa protection de tout abus éventuel d’une part et le bon suivi et coordination entre les différents intervenants judiciaires d’une autre part.
2) Charger un ou plusieurs substituts du Procureur de la République des affaires de violence à l’égard des femmes
Le Procureur de la République représente en personne ou par ses substituts le Ministère Public auprès du tribunal de première instance. C’est lui qui apprécie la suite à donner aux plaintes et dénonciations qu'il reçoit ou qui lui sont transmises. Ainsi, il décide de l’ouverture d’une instruction, de la soumission du PV au tribunal compétent (justice cantonale ou chambre correctionnelle au tribunal de première instance) ou le classement sans suite. Lors du procès, c’est lui qui fait un réquisitoire demandant l’application de la loi et il est censé défendre l’intérêt de la société dans son ensemble.
L’article 22 de la loi organique n°2017 -58 prévoit que « le Procureur de la République charge un ou plusieurs de ses substituts de la réception des plaintes relatives aux violences à l’égard des femmes et du suivi des enquêtes y afférentes ».
Cette spécialisation du ministère public au sein du tribunal de première instance permet de bien prendre en charge l’affaire pénale de la FVV et de lui donner l’importance qu’elle nécessite afin de poursuivre l’agresseur et lutter contre son impunité et d’aider la femme à protéger ses droits.
En pratique, la compétence du substitut du procureur chargé des affaires de la violence conjugale a été élargie pour répondre aux dispositions de l’article 22 suscité. Désormais, il est chargé de toutes les affaires de violence à l’égard de la femme, quel que soit la relation qui la lie à l’agresseur, et non pas seulement de celles de violences conjugales.
3) Possibilité de prendre des mesures de protection à l’égard de la FVV
Selon le chapitre IV de la loi organique n°2017-58, les mesures de protection des FVV peuvent être de deux types ; soient des moyens de protection (article 26) soient des ordonnances de protection (article 30 et suivants) :
- bien que les moyens de protection soient pris par l’unité spécialisée des enquêtes des VFF au sein de chaque commissariat de sûreté nationale et de garde nationale, ils doivent toujours être autorisés par le procureur de la république compétent ;
- les ordonnances de protection, selon la nouvelle loi 2017- 58 doivent être ordonnées par le juge de la famille. Ce dernier peut désormais accorder une ordonnance de protection de la victime de la violence (la femme et les et les enfants qui résident avec elle) suite à une requête écrite émanant d’elle en personne (ou de son mandataire), ou du Procureur avec accord de la femme, ou du Délégué à la protection de l’enfance si la victime est un enfant ou en cas d’existence d’un enfant.
La saisine du juge de la famille de la demande de protection ne fait pas obstacle au droit de la victime d’exercer une action de fond devant les juridictions civiles et pénales compétentes.
4) Octroi obligatoire de l’aide judiciaire
L’aide judiciaire, en application de la loi n° 2002-52 du 3 juin 2002,peut être accordée à toute personne physique demanderesse (ie. qui ouvre une plainte) ou défenderesse (ie. qui est accusée), à des conditions de revenu prouvées par un « certificat de pauvreté », délivré par le « omda – chef de circonscription» ( relevant du Ministère de l’Intérieur).
Cependant,pour les femmes nvictimes de violence, l’aide judiciaire n’est désormais plus facultative mais obligatoire. En effet, l’article 13 de la loi organique n°2017-58 prévoit que la femme victime de violence et les enfants qui résident avec elle, bénéficient obligatoirement de l’aide judiciaire. Dorénavant, le bureau de l'aide judiciaire au tribunal de première instance, chargé d’examiner les demandes, doit automatiquement octroyer l’aide juridictionnelle aux femmes victimes de violence.